Comparaison
Je suis de retour depuis presque deux semaines en Belgique et j’ai pu déjà revoir pas mal d’amis et de membres de ma famille. On a beaucoup discuté de ma/notre nouvelle vie, cela suscite évidemment la curiosité. Les interrogations qui reviennent souvent concernent les disparités entre la Belgique et les États-Unis. Même si les deux cultures sont relativement proches, il existe des différences notables. Si ça vous tente un jour de passer à l’acte et de vous envoler vers le rêve américain, ceci pourrait vous intéresser.
Ma comparaison porte sur ce que je connais. Je vis en Californie et ce que je dis n’est pas à généraliser à l’ensemble des États-Unis. La Californie est un monde à part et la Silicon Valley en particulier est un monde à part dans ce monde à part. Je sais que la donne est différente si vous vivez dans l’Idaho ou le Michigan.
Le système politique
La première chose à savoir quand on débarque aux États-Unis, c’est qu’on arrive dans un pays avec un système politique très libéral, assez différent de ce qu’on connait en Europe (la Belgique est plutôt de tendance sociale-démocrate). Aux États-Unis, on donne moins à l’état (via les taxes et impôts divers) et celui-ci est beaucoup moins interventionniste. Cela a du bon et du moins bon mais ça dépend évidemment de vos convictions politiques…
Voici quelques différences considérables :
- L’indexation des salaires, le pécule de vacances et le 13ème mois n’existent pas. D’un autre côté, on vous enlève beaucoup moins sur votre salaire brut (seulement aux alentours de 30%).
- La plupart des contrats sont “At-Will”, c’est-à-dire qu’on peut vous licencier sans préavis. D’un autre côté, vous pouvez partir de votre boulot du jour au lendemain.
- Les allocations familiales sont inexistantes et les pensions beaucoup moins importantes. À nouveau, si vous avez un bon job, comme on vous prend moins à la base, il est plus facile d’épargner, et vous n’aurez peut-être pas besoin de ces aides.
- etc.
En vulgarisant beaucoup, dans un système politique comme en Belgique, on a tendance à vous prendre plus d’argent à la source pour ensuite le redistribuer équitablement sous formes d’aides, de primes, d’allocations, etc. Si vous n’avez pas forcément besoin de toutes ces choses, vous avez quand même payé pour. Aux États-Unis, on vous laisse quasiment tout ce que vous gagnez et vous vous débrouillez ensuite pour placer votre argent dans ce que vous souhaitez.
Pour ma part, je me reconnais beaucoup plus dans un système libéral (voire libertarien) que dans un système social-démocrate (mais j’imagine que vous vous en doutiez un peu).
La météo
Le truc pour lequel il n’y a vraiment pas photo. Peu de pluie à San Francisco, jamais de neige depuis 1976, des températures qui vont rarement en dessous des 10 degrés mais aussi rarement au dessus des 25 degrés. On dit que c’est le printemps tout l’année à San Francisco, sauf durant les deux mois d’été, où c’est l’hiver, à cause du brouillard.
La dernière fois qu’il a neigé à San Francisco, les gens avaient beaucoup de cheveux.
Les loisirs et les sorties
Les employés ont droit à assez peu de congés aux États-Unis mais comme j’aime le dire, nous avons 104 jours supplémentaires de congé, tant nous profitons à 100% de nos week-ends, ce qui n’était pas du tout le cas quand nous étions en Belgique. Tout ça grâce à la météo clémente mais aussi grâce aux richesses de la ville et de la région. Il y a toujours quelque chose à faire et nous en profitons la plupart du temps pour nous vider l’esprit et être en pleine forme le lundi matin de retour au boulot. Culturellement, San Francisco est une ville très correcte. On y trouve quelques musées, des cinémas, des salles de concerts, des théâtres, un opéra, etc. même si cela reste probablement inférieur à certaines villes de la côte est, comme New York.
Au niveau sorties, on trouve de nombreux restaurants et de nombreux bars, d’origines et de styles vraiment différents afin que chacun y trouve son compte. Par contre, dès qu’un resto devient un peu “hype” (ou s’il a + de 4 étoiles dans Yelp), vous devrez faire la file, parfois pendant plus d’une heure, pour y avoir une table. Je ne m’y ferai jamais.
La file pour avoir droit à un brunch chez Zazie, dans le quartier de Cole Valley.
Mais ce qui choque le plus l’Européen qui débarque aux États-Unis, c’est que tous les bars ferment à 2 heures du matin. En conséquence, on commence à faire la fête beaucoup plus tôt. Pour ma part, je n’ai jamais été un gros fêtard donc ça ne me dérange pas et je trouve même ça mieux. Je n’ai jamais compris pourquoi il fallait attendre qu’il soit presque minuit pour qu’il commence à y avoir de l’ambiance dans les bars en Belgique.
La bouffe et les boissons
Non, le hamburger accompagné d’une Bud Light n’est pas le seul plat qu’on puisse manger aux États-Unis. En Californie, on mange vraiment très bien, et en particulier à San Francisco qui est une des meilleures villes américaines pour les amateurs de bouffe. Dans les supermarchés (ouverts tard et le dimanche, soit dit en passant), presque tous les produits frais sont locaux et de bonne qualité.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, j’ai l’impression de mieux manger depuis que je me suis expatrié. Je mange plus de légumes et moins de féculents. Par contre, je suis évidemment toujours partisan d’une bonne crasse de temps en temps (en particulier, je suis un grand fan des food trucks qui sont très répandus aux États-Unis).
Le rayon légumes chez Whole Foods Market.
Tout ça n’est évidemment valable que pour la Californie. J’ai eu l’occasion de me promener dans des états un peu plus perdus comme l’Utah, l’Idaho et le Wyoming et c’est vraiment un défi de trouver un truc correct à manger là-bas.
La bière américaine est aussi une réelle découverte et une agréable surprise. Il y a énormément de microbrasseries qui produisent de la bière de très haute qualité. Il est également possible de trouver pleins de bières belges dans les magasins (spécialisés ou non) mais elles sont évidemment un peu plus chères. Et il est même assez simple de trouver de l’Orval, ce qui ne semble pas être le cas en Belgique (d’après ce qu’on m’a dit).
Le vin californien n’a plus rien à prouver non plus (je vous recommande de regarder le film Bottle Shock à ce sujet) même si mes amis français vous diront que ça ne vaut pas encore le vin de leur pays 😉
Le service
Pour moi, le plus gros décalage entre Europe et États-Unis tient dans le service à la clientèle. Les Américains sont la plupart du temps très sympas, souriants et compréhensifs. Ils ont l’air vraiment heureux de vous aider et de vous servir. Cela rend évidemment l’expérience globale beaucoup plus agréable.
Vous ne devrez jamais attendre 15 minutes pour avoir l’opportunité de payer votre addition dans un restaurant. Cependant, on est parfois à la limite du harcèlement tant ils viennent vous demander toutes les 5 minutes si tout va bien. Par contre, on sent que quand vous avez fini, vous n’êtes plus trop le bienvenu. On ne traîne pas au resto pendant des heures comme on peut le faire en Europe.
L’autre revers de la médaille, c’est le pourboire (tip) qu’il faut ajouter au prix total de ce que vous avez consommé. Il varie entre 15% et 20% de la note. Personnellement, ça ne me dérange pas, c’est un mal pour un bien, car je sais que s’il n’y avait pas le pourboire, le service serait moins bon. Pourquoi être sympa avec le client alors que vous serez de toute façon payé de la même façon ?
Les crottes de chien
Je voulais absolument en parler. En deux ans, je n’ai jamais vu une crotte de chien trainer sur un trottoir à San Francisco (ou si peu). Pourtant, nos amis canins sont omniprésents, c’est une des villes américaines où il y a le plus de chiens par habitant. Il y a aussi beaucoup de parcs aménagés pour les chiens, où on vous fournit le nécessaire pour ramasser les excréments de votre animal de compagnie. De nouveau, l’amende est lourde si vous laissez trainer un caca quelque part, et les forces de l’ordre sont là pour faire respecter les règles.
Nos amis canins qui jouent à la baballe.
La route et les voitures
Je n’ai jamais été aussi zen en voiture qu’en Californie. Les gens sont courtois et respectent les règles. On peut même dire qu’ils sont limite “papys” au volant. Personne ne vous collera au cul, ne vous fera une queue de poisson ou vous fera des appels de phare si, aux yeux de votre agresseur, vous ne roulez pas assez vite sur la troisième bande. Évidemment, la menace qui pèse en cas d’infraction est plus importante aux États-Unis. Les policiers sont présents partout, et les amendes sont très lourdes, mais au moins, tout le monde se tient à carreau et on se sent en sécurité !
En Belgique et d’autres pays d’Europe, j’ai toujours eu l’impression qu’un sentiment d’impunité total régnait sur les routes (et c’est même officiel depuis peu). Les forces de l’ordre sont inexistantes, les gens roulent comme des dingues et installent des avertisseurs de radar alors qu’il suffirait juste de respecter les limitations de vitesse pour éviter les problèmes ! Ne pas respecter les règles sur la route est devenu une normalité. Je suis partisan du fait que chacun fait ce qu’il veut de sa vie, mais quand ça met en danger les autres, je n’arrive pas à l’accepter, et je le condamnerai toujours.
D’après moi, en Californie (et peut-être dans d’autres états — je n’ai pas vérifié), deux choses permettent à chacun d’être beaucoup plus calme et fluidifient fortement le trafic :
- Sur l’autoroute, il est autorisé de dépasser par la droite. Le connard de la bande du milieu n’existe pas. Ça demande d’être plus attentif quand on change de bande, mais honnêtement, ça change vraiment tout.
- Lorsque vous êtes à un feu rouge et que vous voulez tourner à droite, vous êtes autorisés à passer si rien ne vient de la gauche (sauf indication contraire bien-sûr).
De plus, les routes sont en général plus larges et de meilleure qualité, ce qui doit aider aussi.
Je ne m’énerve (presque) plus jamais au volant.
Autre chose, le concept de la voiture de société n’y existe pas et je trouve que c’est une bonne chose. Certaines boîtes vont même plus loin, et encouragent leurs employés à utiliser le vélo ou les transports en commun en pénalisant les gens qui viennent en voiture (en faisant payer le parking, par exemple). De toute façon, si vous vivez et travaillez à San Francisco, posséder une voiture est inutile vu que les transports en commun sont relativement efficaces et quasiment jamais en grève (même si parfois, je trouve que “MUNI sucks“) et que des initiatives comme Zipcar, Uber ou encore Lyft sont très développées.
Aussi, les voitures électriques ont l’air d’être en plein essor, car on peut en apercevoir beaucoup (majoritairement des Tesla mais pas uniquement) et parce que les bornes de recharges sont présentes un peu partout.
La banque et le paiement
Un truc pour lequel on est vraiment super fort en Belgique, c’est la banque. Tout se fait par virement électronique, nos cartes disposent de puces et nos systèmes sont très sécurisés de manière générale. Aux États-Unis, de façon étonnante, c’est encore le Moyen-Âge. On utilise encore beaucoup les chèques car il y a des frais si on fait des virements. Il y a des frais pour quasiment le moindre truc d’ailleurs. Il y a aussi beaucoup de fraudes, du fait que les cartes utilisent encore exclusivement les bandes magnétiques, qu’on ne vous demande jamais votre code pin si vous utilisez une carte de crédit et qu’une partie de la sécurité repose encore sur le truc le plus facilement falsifiable du monde qu’est la signature. À cause de toutes ces fraudes, si vous payez en ligne selon un modèle qui leur semble anormal (genre réserver un billet d’avion sur un site espagnol), votre banque bloquera immédiatement votre carte et vous appellera pour vous demander si c’est bien vous qui venez de faire ce paiement. D’un côté c’est bien car ils semblent prendre un peu la sécurité au sérieux mais c’est quand même très embêtant à la longue, surtout qu’ils pourraient éviter tous ces tracas en améliorant le système en amont (mais ça ne se fera pas en un jour).
En revanche, et sans doute à cause de ce retard au niveau bancaire, on peut voir la naissance de pas mal de startups américaines destinées à révolutionner (ou “disrupter” comme ils disent) le domaine, comme Square, Stripe, Simple, Venmo et beaucoup d’autres.
Vous pouvez payer avec votre smartphone chez Starbucks.
Les soins de santé
C’est assez simple, si vous n’avez pas d’assurance, il ne vaut mieux pas tomber malade car vous allez très vite devenir pauvre (même si c’est en train de changer avec les réformes récentes de Barack Obama). Heureusement, la plupart des entreprises fournissent des assurances de qualité à leurs employés et des visites de routine chez le médecin et le dentiste ne vous couteront pas grand chose. Toutefois, si vous deviez subir des interventions plus lourdes, il vaut toujours mieux le faire en Europe.
Le cout de la vie
La vie est très chère à San Francisco. Comptez à partir de $2000/mois pour un appartement une chambre et à partir de $3000/mois pour un appartement deux chambres.
Tout est vite un produit de luxe, surtout si vous voulez manger un peu sainement (les trucs surgelés dégueulasses sont bon marché, quant à eux). Vos courses vont donc à chaque fois vous couter un peu cher de même que les boissons dans les bars (surtout le vin, alors que c’est souvent local) et les restaurants de manière générale. Il y a évidemment moyen de bien manger pour des sommes totalement correctes si on cherche un peu (et sans devoir faire la file).
En contrepartie, on est vraiment mieux payé (et surtout moins taxé) qu’on ne l’était en Belgique, surtout dans cette bulle qu’est l’industrie technologique. Du coup, l’un dans l’autre, notre niveau de vie est plus ou moins pareil (voire mieux) que ce qu’il n’était avant de débarquer à SF.
Les gens et l’atmosphère générale
Je trouve les gens assez “cool” en Californie, relativement ouverts mais parfois compliqués et un peu arrogants (surtout les petits jeunes qui pensent qu’ils sont les rois du monde car ils bossent dans une boîte technologique renommée). L’atmosphère générale reste positive, on sent que les choses bougent à toute vitesse, et se trouver entourés de gens super intelligents et super créatifs est très enrichissant.
Normal à San Francisco.
Mais ce que je trouve le mieux quand je compare avec la Belgique, c’est que les gens qui entreprennent et qui réussissent sont bien vus et ne sont pas considérés comme des magouilleurs et des profiteurs. On ne se demande pas si c’est normal que X gagne autant d’argent. On se demande comment il a fait et on s’en inspire. L’argent n’est pas un tabou, bien au contraire.
Bref, tout le monde est heureux de travailler dans cette bulle innovante qui ne connait pas la crise, remplie d’opportunités en tous genres et qui a déjà révolutionné plusieurs industries. En espérant qu’elle n’explose pas trop vite car j’ai parfois l’impression qu’on ne règle pas les bons problèmes !
Conclusion
Je pense avoir abordé les sujets les plus importants. Je pourrais encore vous parler de plein de choses, comme l’éducation, mais je ne suis pas vraiment concerné et je ne m’y connais pas assez pour en parler. Je n’ai pas non plus parlé des problèmes liés à l’obtention d’un visa car ils mériteraient un article de blog à eux seuls !
Je le répète, cette comparaison porte sur ce que je connais mais surtout sur mes goûts et convictions personnelles. Je sais que beaucoup ne seront pas d’accord avec cette notion de “mieux” que j’exprime souvent dans cet article car c’est totalement subjectif.
Quoiqu’il en soit, si vous voulez faire vos valises pour les États-Unis, vous pourrez désormais le faire plus ou moins en connaissance de cause !